Plus de 300 personnes dont une grande partie de rescapés venus de tous les coins de France, de Suisse, d’Italie et du Rwanda ainsi que de nombreux responsables d’association se sont rassemblés samedi 17 mai dans le « Jardin des mémoires et de la paix », rue de la Folie à Vésines, pour le dévoilement d’une stèle en hommage aux victimes et rescapés du génocide des Tutsi au Rwanda .
Leiny Munyakazi « Suis-je toujours mère ?… Mes trois filles, dont l’aînée aurait 29 ans aujourd’hui, ont été tuées, massacrées, toute ma famille, mes parents, mes six frères et sœurs, mes tantes, aucun d’entre eux n’a survécu. Je suis seule à porter le poids de l’horreur de ce massacre qui a endeuillé à jamais l’humanité ».
Révérien Rurangwa : « J’ai perdu toute ma famille. Orphelin, je porte le souvenir de ces terribles jours… Mon corps est mutilé, mon bras a été coupé, autant de cicatrices qu’il m’a fallu surmonter… Pour rendre hommage, c’est avec mes cinq doigts restants que j’ai écrit « Génocidé, ils m’ont tué, moi et toute ma famille, sur une colline du Rwanda en 1994, j’avais quinze ans, je ne suis pas mort ».
Ces témoignages qui vous pénètrent, qui vous obligent à entendre, à tenter de comprendre, justifient l’édification de la stèle face au buste du poète Tarass Chevtchenko dans le Jardin des mémoires et de la paix, rue de la Folie.
Initiée par Espérance et Bernard Patureau, responsables de la cellule locale d’Ibuka, et en partenariat avec la Municipalité, l’inauguration de ce monument rendant hommage au million de Tutsi massacrés lors du génocide au Rwanda en 1994 s’est déroulée samedi 17 mai en présence de l’ambassadeur du Rwanda en France, Jacques Kabale, de Marcel Kabanda, président d’Ibuka France, de Bernard Coly, membre du Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda, et d’Hélène Mouchard-Zay (fille de Jean Zay qui entrera au Panthéon à l’automne prochain), présidente du CERCIL *.
Dans son intervention, Espérance Patureau a tenu à exprimer combien l’édification de ce monument « est une suite logique du soutien sans faille et d’une collaboration entre la Municipalité de Chalette et l’Association Ibuka-France qui datent de 2004. La cellule locale d’Ibuka du Montargois basée à Chalette a pris le relais à partir de 2007, date de sa création ». Et de conclure que ce monument « signifie […] ce qui a fait le plus défaut aux grandes puissances qui pouvaient nous protéger en 1994 : l’humanité. Il en est le signe. »
Marcel Kabanda a évoqué dans son allocution la proximité de ce mémorial avec la présence du poète ukrainien en ces termes : « J’ai compris qu’il ne peut y avoir meilleur endroit pour un monument en mémoire des victimes du génocide. Tarass Chevtchenko est ukrainien. La première fois que je suis passé ici, l’Ukraine n’était pas dans la situation où elle se trouve aujourd’hui. Peut-on regarder cette statue sans penser à ce qui se passe aujourd’hui dans la patrie de l’homme qu’elle rappelle ? Cette proximité, ce face à face nous fait toucher du doigt la dimension universelle de la mémoire. On n’entre pas dans la commémoration comme on entre dans un musée. La convocation du souvenir, de quelque chose qui nous a affectés dans le passé, est l’exercice qui nous rend apte à ouvrir nos yeux sur notre monde… Installer un monument en mémoire du génocide des Tutsi du Rwanda sur les terres de Chalette à proximité de la statue de Tarass Chevtchenko est un double rappel de la dimension universelle de notre travail de mémoire. […] Le crime a été commis au Rwanda et contre des Rwandais. Ériger un mémorial en France et à Chalette n’a de sens que parce qu’il s’agit d’un crime contre l’humanité ».
Quant à Hélène Mouchard-Zay, elle a justifié sa présence parce qu’il faut, ensemble, rappeler la mémoire et l’histoire de ce génocide, et ce mémorial devrait y contribuer pour que pareille horreur ne se reproduise. Et de poursuivre : « Il y a une communauté de destin, même si les circonstances historiques ont été différentes, entre le génocide juif pendant la seconde guerre mondiale et le génocide tutsi en 1994, et la même volonté de détruire une population dans sa totalité ».
À l’issue de toutes les interventions, disponibles dans leur intégralité sur le site Internet de la Ville, Franck Demaumont, conseiller général - maire, a tenu à préciser que « l’édification de ce monument est la contribution de la Ville de Chalette, de tous ses habitants, à la mémoire des victimes et témoigne de notre solidarité avec les rescapés pour les aider à se reconstruire et à retrouver confiance en eux et en l’humanité après avoir vécu des actes inhumains et des souffrances indicibles, pour faire définitivement échouer le projet d’extermination qui aboutirait si on les oubliait ». La cérémonie s’est terminée par le dépôt de cinq gerbes et une chorale rwandaise a interprété des chants en kinyarwanda, langue nationale du Rwanda. Bruno Ballu
* CERCIL : Centre d’étude et de recherche sur les camps d’internement du Loiret.